Reconnue pour ses plumes colorées d’un bleu métallique, de blanc et de brun, l’hirondelle bicolore connaît un déclin abrupt dans l’Est du Canada, en particulier dans les régions agricoles du Sud du Québec. On pointe notamment du doigt l’intensification des pratiques agricoles, qui nuiraient à la reproduction. Mais de quelle façon?

Pour en avoir le cœur net, une équipe de scientifiques de l’Université de Sherbrooke composée de Marc Bélisle, Fanie Pelletier et Dany Garant a entrepris en 2004 de suivre les hirondelles qui nichaient dans une quarantaine de fermes en Montérégie et en Estrie.

Quelque 16 ans plus tard, les données révèlent que ces oiseaux ont un garde-manger moins bien garni dans les secteurs où se pratique l’agriculture intensive. De plus, leur repas principal, constitué d’insectes aériens comme les mouches, les moustiques et les taons, est davantage contaminé dans les zones dominées par des monocultures de maïs ou de soya, lesquelles sont assujetties à divers traitements chimiques. Ayant moins de proies à se mettre dans le bec, l’hirondelle pond moins d’œufs, et la croissance et la survie de ses oisillons sont plus faibles.

En comparant différentes cultures de Sherbrooke et de Montréal, il est devenu évident que les hirondelles sont exposées indirectement à un grand nombre de pesticides : au moins un des 47 composés chimiques répertoriés ont été retrouvés dans près de la moitié des « boules d’insectes » que les parents donnent à leurs petits.

Parmi les pesticides identifiés, il y a les néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles », qui enrobaient les semences de maïs et de soya. Ces derniers ont récemment été remplacés par des composés très semblables, les diamides. Ces insecticides auraient-ils un impact sur la reproduction de l’oiseau? Pour l’instant, les scientifiques ne savent pas si les quantités trouvées dans les insectes sont suffisantes pour affecter directement la reproduction des hirondelles.

L’équipe de recherche a aussi constaté que seulement 30 % des hirondelles adultes reviennent pondre au même endroit l’année suivante. Plus encore, moins de 2 % de leurs oisillons reviennent s’accoupler dans l’habitat qui les a vus naître. Il reste à déterminer si les oiseaux meurent ou s’ils fuient un garde-manger dégarni pour en trouver un mieux pourvu ailleurs.

Sources

Garrett, D.R. et al. (2022). Combined influence of food availability and agricultural intensification on a declining aerial insectivore. Ecological Monographs, 92(3). https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ecm.1518

Garrett, D.R. et al. (2022). Interacting effects of cold snaps, rain, and agriculture on the fledging success of a declining aerial insectivore, Ecological Society of America Journals, 32(7). https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/eap.2645