Qui n’a pas déjà été distrait pendant sa journée de travail par une pensée négative ou un mal de dos tenace? Depuis une trentaine d’années, on sait que le cerveau est fortement influencé par les émotions ou la douleur, mais personne ne sait exactement comment notre matière grise gère à la fois des émotions ou de la douleur et des tâches cognitives, ni comment cela affecte notre fonctionnement.
C’est ce qu’a voulu comprendre l’équipe de recherche composée d’Isabelle Blanchette, professeure au Département de psychologie de l’Université Laval et chercheuse au centre CERVO, Mathieu Piché, professeur au Département d’anatomie de l’UQTR et chercheur au centre de recherche de l’Institut de gériatrie de l’Université de Montréal, et Benoit Brisson, professeur au Département de psychologie de l’UQTR et membre du groupe de recherche CogNAC, dont les travaux portent sur la cognition, les neurosciences, l’affect et le comportement.
Ces scientifiques ont utilisé des techniques de neurostimulation pour étudier le cerveau de personnes ne présentant aucun problème de santé pendant qu’elles devaient mémoriser des formes s’affichant sur un écran, tout en étant distraites par des mots dictés sur un ton émotif (colérique, apeuré ou neutre) ou encore par des stimulations sensorielles (un peu douloureuses ou non).
Leur activité électrique cérébrale a été mesurée, afin d’analyser ce qui se produit lorsque le cerveau doit gérer une tâche cognitive en même temps que des émotions ou de la douleur.
L’étude a montré que ces distractions viennent « gruger » une partie des capacités cognitives dont une personne a besoin pour penser ou mémoriser, particulièrement lorsque la tâche à réaliser exige une forte concentration. Les trois collaborateurs ont aussi montré que la neurostimulation peut atténuer l’effet négatif des émotions ou de la douleur.
Des essais sont en cours afin de voir s’il est possible d’agir sur les mécanismes cognitifs en contexte de vieillissement, de douleurs chroniques ou de déficit d’attention. Ultimement, les scientifiques espèrent contribuer au développement d’approches non pharmacologiques pour aider le cerveau à gérer certains éléments distractifs.
Références
Thiffault, F. et al. (2024). Hearing fearful prosody impairs visual working memory maintenance. International Journal of Psychophysiology, vol. 199, 112338. https://doi.org/10.1016/j.ijpsycho.2024.112338
Wagenaar-Tison, A. et al. (2022). Disruption of working memory and contralateral delay activity by nociceptive stimuli is modulated by task demands. International Association for the Study of Pain, 163(7), 1335-1345. doi: 10.1097/j.pain